Les staffs des clubs professionnels s’étoffent alors, l’entraîneur principal a déjà un adjoint depuis les années 1980, l’entraîneur des gardiens de but officie dès le début des années 1990 dans la plupart des clubs et les kinésithérapeutes sont souvent deux. Au début des années 1990, devant la spécialisation à tous les postes, le préparateur physique apparaît. Souvent issus de la filière STAPS – et peu souvent du monde du football –, ils sont simples exécutants, chargés d’emmener le groupe de joueurs sur les séances athlétiques que dirigeait l’entraîneur avant leur arrivée, qu’il s’agisse du footing ou du travail intermittent. Ils prennent l’échauffement en mains et élargissent progressivement leur champ d’activité aux séances de musculation en salle et à la planification des charges de travail. Devant la diversité des formations et des filières suivies par ces préparateurs physiques, sous la baguette de Guy Stephan alors à la DTN, la FFF met en place en 2000 un diplôme fédéral de préparateur physique du football, nécessaire pour pouvoir exercer auprès d’une équipe professionnelle – diplôme dans lequel on retrouve un enseignement de la physiologie de l’effort, de la traumatologie et de la réadaptation sur le terrain après blessure. 

Les années 2000 voient l’analyse vidéo prendre de plus en plus d’importance, déjà bien rôdée à Clairefontaine dès 1990 sous l’impulsion de son informaticien Thierry Marszalek. En 1989, un logiciel de traitement statistique couplé à la vidéo, nommé Strateje, est créé. Tous les matchs sont observés et tagués à l’aide d’un clavier spécifique. Ce programme est utilisé pour l’observation de la Coupe du monde 1990 ainsi qu’à l’Euro 1992 en Suède. Un symposium après l’Euro a même lieu à Clairefontaine en présence de tous les sélectionneurs qualifiés : les travaux sont présentés avec une analyse individuelle et collective pour chaque équipe. L’analyse vidéo au sein de l’équipe de France démarre plus tard, le 25 février 1998, lors du match France-Norvège (3-3 à Marseille) où un montage sur l’adversaire est réalisé et présenté aux joueurs en présence de l’analyste vidéo. En 2000, lors de l’Euro en Belgique et aux Pays-Bas, chaque joueur peut observer ses montages individuels ainsi que celui de son adversaire direct. L’évolution du matériel et des logiciels (plateformes vidéo) va permettre de faire progresser ce travail et d’affiner le travail d’analyse. 

Les staffs médicaux s’étoffent : on passe de deux à trois, voire quatre kinésithérapeutes, de un à deux médecins à temps plein en fin de décennie, et les centres de formation suivent la même évolution. Les podologues, ostéopathes et nutritionnistes se rapprochent du vestiaire et consultent deux à trois fois par semaine au centre d’entraînement, le plus souvent comme vacataires, avant de devenir temps plein dans certains clubs au cours des années 2010. Les infrastructures suivent, les clubs créent de véritables espaces de soins dans de nouveaux centres d’entraînement afin de permettre aux thérapeutes de mener toutes les rééducations à leur terme et d’éviter au maximum d’envoyer les joueurs en centre de rééducation. De nombreux médecins utilisent l’échographie dans leur cabinet, en première intention, et ont maintenant l’échographe au centre d’entraînement. Celle-ci vit d’ailleurs une seconde jeunesse aujourd’hui avec l’amélioration des sondes, l’apparition d’échographes portables et la multiplication des soins et des injections faits sous contrôle radiographique. Les techniques chirurgicales évoluent encore et encore : on pense à suturer les ménisques plutôt que les enlever, voire à faire une greffe ; des techniques arthroscopiques mini-invasives permettent des chirurgies réparatrices à des stades plus précoces comme au niveau de la coiffe des rotateurs par exemple ; on pense à nouveau à réinsérer le tendon conjoint des ischio-jambiers alors que le traitement fonctionnel était devenu la norme. Ce sont les débuts des PRP (plasma riche en plaquettes), à toutes les sauces cependant, sans que l’on sache toujours quelle est leur réelle efficacité ni leur bonne indication, tant les pratiques sont différentes.

La fin des années 2010 en France – à l’instar des Anglo-Saxons souvent précurseurs en la matière – voit la création de cellules « Performance et Recherche » dans les clubs, qui vont regrouper les activités permettant au manager de disposer de toutes les ressources et informations pour son groupe de joueurs, à savoir : la cellule médicale (prévention, diagnostic, traitement et rééducation/réadaptation), le département des sciences du sport (préparation physique, charge de travail et récupération) et le secteur de l’analyse de la performance (analyse du match et cellule recrutement). Il n’est pas rare non plus de voir les clubs s’organiser en système pyramidal avec un médecin chef coordonnateur et un médecin, voire deux, par section – la section professionnelle, le centre de formation et les féminines. Les grands clubs s’équipent de scanner et d’IRM pour simplifier le circuit diagnostique et de la technologie Dexa (scanner) pour mesurer la masse grasse de leurs joueurs. Ils créent des cliniques adjacentes au stade ou au centre d’entraînement ouvertes au public. Les terrains hybrides investissent aussi les centres d’entraînement, et les joueurs peuvent même y dormir ou y manger matin, midi et soir s’ils le souhaitent, lorsque ce n’est pas imposé. Les clubs veulent ainsi mettre leurs joueurs, depuis la formation jusqu’aux joueurs professionnels, dans les meilleures conditions au quotidien, que l’on parle de football, de soins ou d’hôtellerie. 

Il n’en reste pas moins qu’il existe une distorsion, encore très importante aujourd’hui, d’un club à l’autre, entre le premier de la classe et celui au budget le plus serré. En Ligue 1, on a compté pas moins de 23 membres pour le staff du PSG 2019-2020 (5 entraîneurs, 4 préparateurs physiques, 9 thérapeutes, 5 analystes), alors qu’ils n’étaient que 12 au Stade de Reims (4 entraîneurs, 2 préparateurs physiques, 2 analystes et 4 thérapeutes). Le grand écart, en somme. Aujourd’hui, il n’est pas rare qu’un entraîneur arrive dans un club accompagné d’un ou deux adjoints, d’un ou deux préparateurs physiques, d’un entraîneur des gardiens de but et, depuis peu, d’un analyste vidéo. Pour le moment, il s’appuie encore, au moins au début, sur le staff médical en place. Mais la tendance peut s’inverser à tout moment … même si le Covid semble l’avoir freinée quelque peu.

À titre de comparaison, nous avons recherché la composition des staffs des équipes de France depuis 1958 pour les compétitions internationales, ainsi que celle des grandes équipes françaises au cours des soixante dernières années

Il était difficile de remonter au-delà, mais le numéro de Foot Mag spécial centenaire de la FFF (#64, juin 2019) nous apprend la composition du staff qui a accompagné les seize joueurs français en Uruguay pour la première Coupe du monde en 1930. Sur le paquebot SS Conte Verde qui emmenait l’équipe à Montevideo, il n’y avait que trois personnes : deux des cinq membres du comité de sélection de l’époque – Jean Rigal et Raoul Caudron, qui faisait également office d’entraîneur – et le « masseur-soigneur », Raphaël Panosetti. 

Depuis l’épopée de Suède à la Coupe du monde de 1958 jusqu’en Russie en 2018, le nombre de joueurs est quasi identique sur cette période puisqu’ils étaient déjà vingt-deux en 1958. C’est en 2002, pour la Coupe du monde au Japon et en Corée du Sud, qu’est apparu le numéro 23, invariable jusqu’en 2018. Le Covid a modifié la donne pour l’Euro 2020 avec l’apparition de 3 joueurs supplémentaires, sans doute de façon temporaire.  

Le nombre d’entraîneurs adjoints a varié avec le temps, passant de un à trois. Son nombre dépend bien sûr de la seule volonté du sélectionneur d’avoir un staff élargi ou non, de multiplier les compétences et les intervenants. D’un rôle très élargi dans les années 1980, il se positionne aujourd’hui autour de l’animation des séances d’entraînement, l’observation de l’adversaire et l’échange avec le sélectionneur sur les sujets de terrain. 

Le premier entraîneur spécifique des gardiens de but fut Philippe Bergeroo en 1989, avec Michel Platini comme sélectionneur. Il officiera jusqu’en 1998 et le titre de champion du monde avec Aimé Jacquet, auprès de qui il assurait également une mission d’adjoint au sens large. Le premier préparateur physique nommé est Robert Duverne, pour la Coupe du monde 2006 en Allemagne. Non pas que la préparation physique n’entrait pas en ligne de compte avant 2006, mais elle était assurée par les entraîneurs adjoints, au nombre de trois entre 1984 et 2004. On pense ainsi à Gérard Banide, mais également à Philippe Bergeroo, donc, qui étaient d’ailleurs tous deux d’anciens gardiens de but. 

Un médecin a toujours fait partie de la délégation depuis 1958. On est même passé à deux médecins sur quatre compétitions, de la Coupe du monde 2006 en Allemagne à l’Euro 2012 en Pologne et en Ukraine : initialement, par commodité pour les contrôles anti-dopage, puis en se disant que c’était bien mieux pour un peu tout – l’accompagnement d’un joueur pour une IRM ou une hospitalisation, la prise de décision... On en est revenu, le problème étant que plus vous multipliez les postes, plus vous diluez les responsabilités, plus les avis divergent et plus vous perdez en efficacité. Ce n’est que mon avis. Les autres sélections se présentent souvent avec deux, voire trois postes de médecins, sans doute pour les raisons que je vous ai énoncées. Après, c’est affaire de personnes. 

On a débuté avec un poste de kinésithérapeute en 1958, on est passé à deux pour l’Euro 84 en France, à trois pour l’Euro 92 en Suède et, à présent, on est à quatre depuis l’Euro 2016 en France. Cette croissance a suivi inévitablement celle des clubs où évoluent nos joueurs, à l’étranger surtout. Lorsqu’à la Juventus, à Chelsea, au Real ou au Bayern, les joueurs ont l’habitude d’avoir trois, quatre ou cinq kinésithérapeutes, ils souhaitent avoir la même prise en charge en sélection. On s’est donc adapté pour un meilleur confort de fonctionnement et une plus grande efficacité pour les soins. 

Le premier ostéopathe, Philippe Boixel, est arrivé en 1996 pour l’Euro en Angleterre, sans que plus jamais ce poste ne soit remis en question. Là encore, dans un premier temps, il a davantage répondu à une demande des joueurs qu’à un véritable souhait du corps médical. Mais il a rapidement trouvé sa place dans le staff, la pertinence du poste et l’efficacité de l’ostéopathe n’étant ensuite qu’affaire de travail en équipe sous la direction du médecin. 

Aujourd’hui, avec Didier Deschamps, les postes sont réduits à leur plus simple expression : un seul adjoint (Guy Stephan), un entraîneur des gardiens de but (Franck Raviot), un préparateur physique (Éric Bedouet en 2014 au Brésil et à l’Euro 2016 en France, puis Grégory Dupont en 2018 en Russie, et maintenant Cyril Moine depuis l’Euro 2020), un médecin (Franck Le Gall), quatre kinésithérapeutes (Christophe Geoffroy, Denis Morcel, Alexandre Germain, Guillaume Vassout) et un ostéopathe (Jean-Yves Vandewalle) – là où certaines sélections ont multiplié tous ces postes par deux. C’est un choix et un débat qui reste ouvert. Mais c’est bien la preuve que le plus grand nombre ne rime pas forcément avec efficacité.

Pour les grands clubs français des soixante dernières années, nous ne sommes pas étonnés de voir une évolution globalement similaire. Nous sommes toujours à la recherche du staff du Stade de Reims de 1958 (merci de nous contacter si vous le connaissez !). 

Le staff de l’ASSE en 1976, finaliste de la Coupe d’Europe à Glasgow contre le Bayern de Munich, semble aujourd’hui sorti d’un autre temps, avec le seul Robert Herbin aux manettes, entouré de son staff médical (un médecin et deux kinésithérapeutes, tous à mi-temps). 

Les staffs nantais de 1983 et bordelais de 1985 nous rappellent l’émergence de l’adjoint aux multiples responsabilités – Georges Eo auprès de Jean-Claude Suaudeau au FC Nantes et Bernard Michelena auprès d’Aimé Jacquet aux Girondins de Bordeaux –, avant l’arrivée des entraîneurs de gardiens de but et des préparateurs physiques au début des années 1990. On les retrouve ainsi à l’OM en 1993, champion d’Europe à Munich avec Jean Castaneda comme entraîneur des gardiens de but et Roger Propos comme préparateur physique. 

Les staffs de l’OL 2003, de l’OM 2010 et du LOSC 2011 (un ou deux adjoints, un préparateur physique, un entraîneur des gardiens de but, un médecin, trois ou quatre kinésithérapeutes) ne sont plus très éloignés de ce que l’on rencontre aujourd’hui (il ne manque que la cellule performance), là où celui du PSG 2020 ressemble plus au staff d’un futur XXL. La différence entre clubs en 2021 ne réside plus dans la qualité, mais bien dans la quantité, quand certains postes sont doublés, voire triplés, lorsque les budgets le permettent. Et l’on n’est toujours pas certains que cela rime avec efficacité.