L’objectif de cette étude de 2021 (1) est de déterminer la prévalence de l’entorse du médio-pied par IRM et d’estimer son impact sur le RTP chez des joueurs de football professionnels qui présentent un tableau de traumatisme de cheville. En moyenne, un joueur de football professionnel va présenter deux blessures invalidantes par saison (2,3). Communément et depuis toujours, la cuisse, le genou et la cheville sont les structures les plus souvent touchées ; et les lésions musculaires et ligamentaires sont les types de blessures les plus fréquents (4). L’entorse de cheville est donc une pathologie très fréquente chez le footballeur (environ 10% des blessures) (2,5,6), mais la prévalence de l’entorse du médio-tarse (entorse de Chopart) est souvent sous-estimée, à fortiori son association avec une entorse de cheville. Ainsi, jusqu’à 83% des lésions du Chopart ne sont pas vues à l’IRM dans une série de 2018 (7).
59 traumatismes de la cheville bilantés par une IRM ont été inclus dans l’étude (52 joueurs professionnels concernés) de janvier 2012 à septembre 2019. Les images ont été revues par deux radiologues pour définir de façon consensuelle les lésions de la cheville et du médio-tarse. Les lésions ligamentaires ont été classées en rupture totale, rupture partielle ou absence de rupture. Le temps du RTP, qui est le retour au jeu avec le groupe sans restriction, a été transmis par le staff médical pour chaque joueur.
L’analyse des images IRM a révélé une entorse de cheville dans 43 cas sur 59 (72,9%), qui se répartissent en 35 lésions du ligament collatéral latéral (LCL), 16 lésions du ligament collatéral médial (LCM) et 11 lésions du ligament tibio-fibulaire antéro-inférieur (LTFAI). Les lésions du LCL sont isolées dans la moitié des cas, associées à une atteinte du LCM dans 11 cas et une lésion du LFTAI dans 6 cas. Les entorses du LCM sont isolées dans 25% des cas ou associées à une atteinte du LCL (75% des cas). Un tiers des entorses du LFTAI sont isolées, les autres sont associées à une lésion du LCL. Une entorse du médio-tarse a été retrouvée dans 15 cas (25,4 %), dont 4 étaient isolées (26,7 %) et 11 associées à une entorse de cheville (73,3 %). Près de 75% des lésions concernent le médio-tarse latéral (ligament calcanéo-cuboïdien dorsal). Les auteurs rappellent que l’inversion est le mécanisme lésionnel le plus fréquent, à l’origine des entorses du LCL et du médio-tarse. Cette étude ne fait pas exception à la règle. La lésion isolée du médio-tarse peut témoigner d’un autre mécanisme, entre autres la participation d’une flexion plantaire. Enfin, d’un point de vue de l’imagerie, l’existence d’une avulsion osseuse du cuboïde, d’un œdème du court extenseur des orteils ou d’un œdème intra-osseux du talus est un indicateur de lésion ligamentaire du médio-tarse.
Le temps moyen du RTP est de 39 jours pour les entorses isolées du médio-tarse. IL est significativement plus élevé pour les joueurs cumulant une lésion du Chopart et une lésion de la cheville (47 jours) comparé aux joueurs ayant une lésion isolée de cheville (24 jours) (p=.019).
Cette étude montre l’association fréquente d’une entorse du médio-tarse chez le footballeur professionnel présentant une entorse de cheville (un quart des cas). Cette association allonge significativement le temps de RTP par rapport aux entorses isolées de la cheville, presque le double de temps.
En effet, si pour la lésion du LCL de la cheville on avance très rapidement vers le traitement fonctionnel, la lésion du médio-tarse nous impose une immobilisation et une mise en décharge plus ou moins longue qui varie selon la gravité de l’atteinte (laxité ou non) (8). Un diagnostic lésionnel précis aura donc une incidence sur la prise en charge médicale et donc vraisemblablement sur le temps du RTP. Dans le cadre d’un traumatisme de la cheville, à moins de le voir très tôt (sur le terrain ou dans les minutes qui suivent), il peut être très compliqué de faire le diagnostic d’une entorse du médio-tarse associée à une entorse du LCL si la cheville et le pied sont pris dans un large œdème avec de nombreux points douloureux à la palpation et la mise en tension. En milieu professionnel, cela peut être tout l’intérêt d’une IRM avec une demande très précise faite au radiologue sur l’analyse du médio-tarse.
Les limites de l’étude sont qu’il s’agit d’une étude rétrospective qui rend difficile l’étude des mécanismes lésionnels, que les cohortes sont peu importantes et qu’elles ne permettent pas de comparer les grades lésionnels, même si logiquement le temps du RTP est plus élevé lorsque la lésion ligamentaire est complète.
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