Djibril se plaint de son mollet droit depuis 2 jours, le surlendemain du match contre Lorient. Le testing est légèrement positif, il se sent capable de s’entraîner. L’échographie est normale. Après une séance de massage, il prend part à l’entraînement, sans grosse gêne. 

Le lendemain, c’est mieux. Il décide de jouer le prochain match contre Le Havre le 24/09. La première mi-temps se passe sans gêne. Juste avant de reprendre la seconde-mi-temps, en se relevant du banc pour sortir du vestiaire, il sent son mollet tout dur. Il décide d’y aller tout de même. Trente minutes plus tard, la douleur lui commande d’arrêter le match. Le bilan dans le vestiaire est toujours positif sur le soléaire. La marche est difficile. 

Le lendemain, le testing est le même, l’échographie est normale. À l’IRM (voir clichés ci-dessous), on retrouve une zone de décollement à la face profonde du soléaire après un léger œdème péri-lésionnel. On met en place le protocole RICE sur 3 jours.

Par le site du club, on annonce 15 jours d’arrêt, soit une reprise avec le groupe pendant la trêve internationale.

À J2, la marche est possible sans douleur, lentement. Le testing est nettement moins douloureux. 

À J5, le testing est normal. Le saut unipodal réveille une petite gêne. On reste sur un travail sur vélo, un travail excentrique à la main et en charge (soléaire et gastrocnémiens). On envisage la course pour J7 et une réadaptation sur 3 jours. 

À J7, 20 min de footing à 11 km.h-1 de moyenne se passent très bien. Il complète par 3 fois 4 min de 10-20 sur vélo. 

À J8, l’examen est toujours normal. Trois blocs de 15-15 sont prévus, mais il n’en effectue que deux, une « boule » commençant à être ressentie à la base du mollet. Le lendemain, la gêne perdure au réveil. On propose un travail sur vélo et des soins antalgiques (excentrique, massages, laser …).

À J9, c’est repos et soins.

À J10, l’examen clinique est quasi normal. On abandonne l’idée du match contre le PSG le lendemain et on repousse la reprise dans le groupe à la semaine suivante.

Il fait un travail individualisé de J13 à J17, à base de course, de travail d’appuis, de renforcement excentrique et d’étirements.

Après un week-end de repos et deux séances individuelles avec un entraîneur, il reprend sans problème avec le groupe à J19.

Parfois, on a envie d’aller plus vite que la musique : à quel moment n’est-on pas loin de faire des bêtises ?

Une étude rétrospective a été réalisée sur 63 joueurs professionnels de la ligue de football australien ayant présenté une déchirure musculaire du mollet sur la base des images IRM. Il en ressort que le soléaire est le muscle le plus souvent touché, 4 fois plus que le gastrocnémien. Surtout, pour ce qui nous concerne, lorsque le soléaire est touché, le risque de manquer un ou plusieurs matches est plus important si la lésion touche d’autres muscles (gastrocnémien, tibial postérieur, long fibulaire), si elle touche la jonction myotendineuse et si elle est profonde (1). 

Le garde-fou reste la douleur. On est toujours obligé de travailler à la limite de celle-ci. Force est de reconnaître que, pour certains joueurs, on a le sentiment que le seuil douloureux est franchement très bas. 

Le calendrier et l’approche des matches n’aident pas non plus à prendre toujours la bonne décision, l’appréhension du match pouvant être fortement inhibitrice. Dans le cas présenté, il était plus sage de calmer le jeu. Je me souviens tout de même de dossiers où j’ai pu regretter de ne pas les avoir poussés davantage.

Pour ce qui est du diagnostic radiologique de lésion du soléaire, on voit encore l’intérêt de l’IRM face à des échographies souvent normales. Dans une étude de 2014, l’échographie ne permettait de détecter la lésion que dans 27 % des cas (1).

Le confrère interrogé rappelle qu’en réathlétisation, on va souvent tester la limite fonctionnelle qui nous semble raisonnable en fonction de la clinique. Parfois ça passe, parfois on doit revenir au palier précédent. La connaissance des joueurs et de leur tempérament est importante pour un médecin de club afin de gérer les têtes brulées et de booster les frileux. Malgré tout, le joueur et son ressenti restent souvent maîtres du jeu, aussi bien celui qui dit au coach qu’il peut jouer alors que l’impression du praticien n’est pas favorable (et qui ne finit pas toujours son match ou la mi-temps), que celui qui ne le pense pas alors qu’on a le sentiment qu’il peut jouer (et qui va vous le faire regretter à la fin d’un match perdu).

  1. Waterworth G, Wein S, Gorelik A, Rotstein AH. MRI assessment of calf injuries in Australian Football League players: findings that influence return to play. Skeletal Radiol, 2017, 46, 343-350.
  2. Balius R, Rodas G, Pedret C, Capdevila L, Alomar X, Bong DA. Soleus muscle injury: sensitivity of ultrasound patterns. Skeletal Radiol, 2014, 43, 805-812.