Le 12/01, à la veille d’un match de championnat à Monaco, sur un centre du pied gauche pendant les petits jeux, Franck ressent une douleur aiguë à la face antérieure de la cuisse gauche. Il nous avoue avoir ressenti une gêne, deux jours avant, pendant les tests physiques des préparateurs physiques – en l’occurrence, une répétition de sprints. Le testing est positif au 1/3 moyen du droit fémoral. La palpation retrouve une tuméfaction douloureuse. L’échographie retrouve une zone hétérogène le long de la cloison centrale. On met en place le protocole RICE pour les 4 premiers jours et on annonce un délai de 3 à 4 semaines avant le retour dans le groupe.

Le lendemain, l’IRM (voir clichés ci-dessous) retrouve une désinsertion musculo-aponévrotique de grade 2 du droit fémoral, centrée sur la cloison centrale au 1/3 moyen.  

À J2, il a moins de douleur à la marche, le testing est encore positif et la tuméfaction encore nette à la face antérieure de cuisse est encore sensible. L’échographie est identique. On continue le même protocole, en ajoutant un travail du haut du corps au vélo à bras.

À J5, il n’y a plus de SF à la marche. La clinique s’amende, sans modification des images à l’échographie. On démarre les massages de drainage sur la lésion et le travail excentrique en isocinétique à 30 % du max (65 Nm) à 5°/s, 3 fois 10 répétitions, après 15 min d’échauffement sur vélo. On complète par des soins au laser et un travail de course en piscine, ainsi que du gainage en salle. 

À J6, Franck pédale 30 min comme il le sent, c’est-à-dire qu’on ne lui fixe pas d’autre objectif que la non-douleur. Le travail excentrique est augmenté progressivement.

À J7, on introduit le renforcement des membres inférieurs en salle, les adducteurs sur ballon suisse, et les fessiers et les ischio-jambiers à l’élastique. 

À J10, il démarre la proprioception sur Bosu et le renforcement des psoas. 

À J11, la marche rapide sur tapis est acquise ; il fait des fentes et des squats à vide.

À J12, l’examen clinique est normal en dehors de la petite masse à la palpation du droit fémoral. Le travail en iso à 55 % du max se fait sans douleur, facilement. On reprend donc la course par 20 min de footing en plus des soins locaux. On insiste beaucoup en salle sur le travail de renforcement des membres inférieurs tout du long de la phase de réadaptation. 

À J13, on est à 2 fois 20 min entre 10 et 12 km.h-1 (FC à 158 bpm, soit les niveaux atteints au test de début de saison) ; à J14, tout va vraiment très bien (course 3 fois 8 min en 30-30 à 17-18 km.h-1 à 170 bpm) ; à J15, il court 4 fois 4 min à 15 km.h-1, à 172 bpm.

À J16, on fait un test court sur tapis roulant (6 min à 14 km.h-1, FC à 164 bpm, lactatémie à 2,7 mmol.l-1, test très performant). L’examen clinique est normal, on propose un travail de course en 15-15, 3 fois 8 min à 18 km.h-1 sur le terrain. 

À J18, l’échographie est en cours de normalisation. Le travail en excentrique atteint 165 Nm, et sur le terrain il court 3 blocs de 4 min en 10-20 (20 km.h-1), 8-22 (22 km.h-1), 5-25 (24 km.h-1), complété par un travail avec ballon.

À J19, c’est la dernière séance individuelle. Sur un sprint à mi-séance, il ressent une petite gêne en haut de la cicatrice. La palpation est sensible, la CcR (contraction contre résistance) négative et l’étirement légèrement positif. On fait une séance de Game Ready. L’échographie est inchangée et l’examen clinique est normal l’après-midi.

À J20, l’examen est normal. On travaille en excentrique à la main. Sur le terrain, on propose 20 min de fartleck, puis des soins locaux. 

À J21, il fait une nouvelle séance individuelle de 40 min en sous-maximal, à base d’appuis et de course avec ballon. L’IRM du jour retrouve une image cicatricielle autour de la cloison centrale sans lésion récente, validant une vraisemblable douleur sur adhérence. 

À J22, 3 jours après sa douleur, Franck fait une nouvelle dernière séance individuelle avec des efforts à intensité maximale.

Il reprend avec le groupe le 4/02 à J23 (séance à intensité moyenne, car on est sur une période de deux matches par semaine), sans gêne. 

On met en place une « routine » de travail avant séance (travail manuel sur la cicatrice, étirement, travail excentrique sous-maximal, 3 fois 10 répétitions sur iso ou à la main) et post-exercice (massage pour drainage, crochetage).

Franck joue 64 minutes contre Croix en Coupe de France le 6/02, sans problème.

Quel est l’intérêt de faire des tests de sprint après la reprise de janvier ? À quel moment peut-on commencer à masser sur une lésion de grade 3 ? Quel serait l’intérêt de l’IRM pour valider la reprise ? Quel type de travail doit-on mettre en place pour prévenir toute récidive ?

Il n’y a aucun intérêt à faire des tests de sprints en cours de saison pour des joueurs présents dans le groupe depuis la reprise de juillet, a fortiori en janvier de retour de trêve hivernale. Toutes les personnes interrogées sont unanimes. 

La lésion du droit fémoral est très fréquente dans les sports qui nécessitent de sprinter et frapper dans un ballon, donc en football (1). Elle concerne quasi exclusivement le droit fémoral pour ce qui est des lésions intrinsèques, du fait de son anatomie bi-articulaire.

Les variations de longueur et le mode excentrique expliquent le risque lésionnel. 

La lésion siège le plus souvent au 1/3 supérieur, puis au 1/3 moyen.

Les douleurs à la marche s’amendent souvent assez rapidement pour une lésion du droit fémoral.

Pour un grade 3, attendre J5-J7 avant de faire un travail de drainage sur la lésion et débuter le travail excentrique sous-maximal est un minimum. C’est juste le bon sens qui nous guide, selon la tolérance du patient. En termes d’efficacité, aucun argument scientifique ne permet actuellement de dire s’il faut ou non masser une telle lésion. À distance de la lésion, à partir de J2, les soins locaux sont autorisés. 

On attend que tout se soit normalisé (signes fonctionnels et examen clinique) pour débuter la course.

Le programme que nous proposons reste très cloisonné, progression dans la course d’un côté, progression en salle de l’autre, pour arriver à un travail mixte sur le terrain les derniers jours seulement. Certains kinés interrogés maîtrisent parfaitement le travail sur le terrain et concoctent des séances mixtes plus fonctionnelles très tôt, dès la reprise de la course, à base de freinage, changement de direction et utilisation du ballon, en travaillant aussi sur la fatigue, le nombre de répétitions et l’intensité. Bien maîtrisées par le thérapeute, en restant sous le seuil douloureux, elles sont tout aussi intéressantes. 

Le piège en réadaptation est de vouloir aller plus vite quand tout va bien, comme c’était le cas à J19 sans doute, alors que c’est en fin de réadaptation qu’il faut être le plus vigilant. Les échéances de matches à venir et la pression des techniciens n’aident pas toujours à être prudent malheureusement.

C’est la progression dans la réadaptation, le travail excentrique jusqu’à 165 Nm et l’examen clinique de l’AM qui nous laissent penser qu’il ne peut pas s’être fait bien mal à J19. Pourtant, l’IRM du 21 nous semble importante pour reprendre le travail sur le terrain sans inquiétude. 

On peut toujours se poser la question de l’intérêt d’une IRM avant la reprise chez un footballeur professionnel. On a le sentiment qu’elle serait plus embarrassante qu’autre chose. Elle vaut surtout si l’image se « normalise ». Dans le cas contraire, elle sème le doute. Et s’il faut attendre que l’IRM soit normale, on sait que notre sportif n’est pas près de rejouer. 

Le travail de préparation à la séance et de récupération (travail manuel, travail excentrique) après séance comme décrit doit se faire pendant au moins un mois après la reprise, et pourquoi pas jusqu’à la fin de saison. 

La prévention de la lésion du droit fémoral, à plus forte raison en cas d’antécédent ce qui reste le facteur de risque le plus important, repose sur plusieurs éléments : les étirements (psoas et droit fémoral pour les mobilités de hanche), le travail excentrique à intensité moyenne (reverse nordic hamstring exercises, fentes) plutôt que sur le renforcement musculaire pur, et enfin le travail de stabilisation du tronc (1). Notre confrère interrogé souligne que « la recherche de la symétrie musculaire par rapport au côté controlatéral selon les composantes mécaniques (force, endurance et élasticité) représente sans doute le meilleur moyen de prévention ».

  1. Mendiguchia J, Alentorn-Geli E, Idoate F, Myer G. Rectus femoris muscle injuries in football: a clinically relevant review of mechanisms of injury, risk factors and preventive strategies. Br J Sports Med, 2013, 47, 359-366.