Lucas signe au club le 23/01. Le bilan médical et fonctionnel à la signature est normal, c’est-à-dire l’examen clinique, le test de course sur tapis roulant et même le test isocinétique. À l’interrogatoire, il avouait avoir eu une lésion des ischio-jambiers gauches en octobre ayant nécessité 10 jours d’arrêt, puis une nouvelle alerte début janvier à Madrid – d’après lui, traitée efficacement. En attente de transfert, il n’a cependant pas joué un match depuis cet épisode, tout en s’entraînant avec le groupe. L’échographie réalisée le jour de la signature retrouve une image cicatricielle à l’union des deux chefs du biceps. Le test isocinétique, concentrique comme excentrique, est symétrique avec de bonnes valeurs.  

Il s’entraîne 2 jours avant de jouer son premier match à la Beaujoire le 25/01, 60 minutes sans gêne particulière. Le lendemain, Lucas va bien. Le testing est normal. L’échographie est identique avec cette petite zone cicatricielle à l’union des deux chefs du biceps. 

4 jours plus tard, au Parc, en toute fin de 1re mi-temps sur un sprint, il ressent une nouvelle douleur sur la cicatrice. Le testing dans le vestiaire est positif, avec une zone infiltrée sur le biceps. L’échographie retrouve toujours la même image. L’IRM réalisée le lendemain (voir clichés ci-dessous) retrouve une LMA en miroir de grade 3, sur le court et le long biceps avec une zone de décollement superficielle. On démarre un protocole RICE sur 3 jours. 

À J4, il n’y a pas de SF. Il ne reste à l’examen qu’une sensibilité sur la zone infiltrée, sans douleur. L’échographie est identique. On commence le travail iso excentrique ainsi que les soins sur la cicatrice. Lucas se veut très vite rassurant quant à sa capacité à gérer la gêne douloureuse, reprend l’entraînement le 8/02 avant d’avoir validé toute la progression nécessaire et joue contre Rennes le 10/02 pendant 90 minutes, sans problème à part un ressenti sur certaines accélérations. Il adapte les séances d’entraînement pour jouer 45 minutes le 16/02 contre Nice et 45 min le 24 contre Troyes, date à laquelle il comprend qu’il vaut mieux s’arrêter pour raisons médicales d’abord, de performances sportives aussi. 

Alors que la clinique est relativement satisfaisante, le nouveau bilan IRM à 3 semaines de la première retrouve une aggravation des images avec, entre autres, une zone de décollement plus grande. À l’échographie, on l’estime à environ 3 cm par 2 cm par 2 cm. On envisage alors 3 à 4 semaines d’arrêt pour effectuer les soins adaptés.  

Pendant 4 jours, c’est repos complet, soins de Game Ready, crochets et drainage manuel. Après 5 jours, l’examen clinique est quasi normal, sauf un empâtement avec une petite voussure en regard du décollement. On réalise une ponction sous échographie le 6/03 (7 cc de liquide séro-hématique), suivie d’un nouveau repos pendant 5 jours. 

Le 11/03, il n’y a pas de SF, l’examen clinique est normal, sauf une infiltration en regard de la zone de ponction. À l’échographie, il persiste une petite zone de décollement de 2 cc environ. On commence alors le travail actif en course, le travail excentrique en iso et un travail athlétique sur vélo. 

On réalise une nouvelle ponction le 15/03 (5 cc de liquide séro-hématique) à la veille d’un week-end, sans arrêter le protocole de reprise. Lucas est de nouveau dans le groupe le 25/03, sans aucun souci. Seule persiste à l’échographie une zone cicatricielle, sans liquide.

Notre bilan à la signature était-il suffisant ? Quand doit-on proposer une ponction d’un hématome ou d’un décollement musculaire ?

C’est typiquement le dossier foireux.

On fait passer une visite médicale à un joueur qui nous dit aller bien alors qu’il n’a pas joué en compétition depuis 3 semaines, minimise une blessure récente et passe un bilan qui reste globalement normal – entre autres, le test d’effort sur tapis roulant VMA à 18 km.h-1, pas de boiterie) et le test isocinétique concentrique et excentrique. Comme quoi, même les tests fonctionnels peuvent être mis en défaut. Seule la cicatrice peut nous alerter, mais comme tout cela reste douleur-dépendant, le joueur n’a pas mal et s’entraîne le lendemain pour jouer 2 jours après.

Dans ce cas, il aurait sans doute été logique de passer une IRM de cuisse, mais on avait déjà les images à l’échographie et quel impact si le joueur nous dit derrière se sentir bien, pouvoir s’entraîner et être prêt à jouer. Et comme c’est une recrue importante, il est là pour jouer… et il a joué. 

Il nous faut un mois pour lui faire prendre la bonne décision, à savoir reprendre tout à zéro et dans l’ordre : repos avec protocole RICE, soins locaux, exercices du haut du corps, travail excentrique infra-douloureux sur la cicatrice, puis reprise des contraintes mécaniques (vélo, course, ballon).  

Un collègue me dit qu’il aurait sans doute proposé un protocole de renforcement musculaire de Mad-Up (appareil de restriction du flux sanguin ou Blood Flow Restriction) et des séances de cryothérapie corps entier.

Il me semble que les deux ponctions ont amélioré le tableau clinique, même si les volumes restent faibles. Mais je n’en ai aucune certitude. La seule est de ne pas avoir été négatif.

La base du traitement étant le respect de la non-douleur tout en travaillant au plus près de celle-ci, on peut être pris en défaut quand on ne connaît pas bien le joueur. Il y a un temps évidemment incompressible en-dessous duquel on ne peut pas aller plus vite en termes de cicatrisation. En revanche, pour certains, il ne semble pas y avoir de limite supérieure tant la moindre contrainte est source de douleurs.

Il m’a toujours semblé que le nouveau joueur était plus à risque de blessure, au moins les premiers mois, pour plusieurs raisons : la méconnaissance de son mode de fonctionnement pour le staff médical (seuil douloureux, soins de prévention, antécédents) et le nouvel environnement technique et athlétique (charges de travail, séances en salle différentes…). En fait, il n’en serait rien. Sur une série de 8 ans au LOSC, 55 nouveaux joueurs et 134 joueurs au total, nous n’avons retrouvé aucune différence significative (DS) entre la première et la seconde saison des nouveaux joueurs, ni aucune DS avec le groupe de joueurs déjà au club (1). Mais il serait certainement intéressant de faire ce type d’étude dans d’autres clubs avec d’autres particularités en termes de préparation physique et de prise en charge, comme cela m’a été proposé par un confrère médecin de club. 

Celui-ci me dit par ailleurs (sachant que Lucas a joué 2 jours après sa signature, puis à nouveau 4 jours après) : « Lors de l’arrivée d’un nouveau joueur, je demande toujours qu’on l’intègre progressivement aux séances de travail et aux matches. Je ne suis pas toujours écouté (par le coach ou le joueur), mais je le fais remarquer suffisamment fort quand une blessure arrive chez un nouveau joueur, ce qui est fréquent chez nous (nouvelles habitudes de travail, notamment la musculation, nouvelles conditions climatiques et de terrain…). De principe, il ne faut jamais faire confiance à un nouveau joueur. »

  1. Carling C, McCall A, Le Gall F, Dupont G. Injury risk and patterns in newly transferred football players: a case study of 8 seasons from a professional football club. Science and Medicine in Football, 2018, 2, 1-4.