À la 28e minute en match contre Bilbao le 12/04, Mathieu se luxe l’épaule gauche tout seul, sur une rotation du tronc et son bras gauche ballant qui tire la tête humérale vers le bas. Une tentative très rapide au bord du terrain ne sert à rien. Dans le vestiaire, on entreprend une réduction de la luxation à deux thérapeutes, avec succès en quelques manœuvres. On immobilise le bras en écharpe avec une poche de glace sur l’épaule et il démarre un traitement antalgique par Doliprane. Il s’agit d’une récidive à un an, sans traumatisme, sur un mouvement brusque du bras en l’air en abduction/rotation externe. On peut parler d’instabilité. On envisage un traitement fonctionnel rapide jusqu’à la fin de saison et on discute d’une chirurgie de stabilisation à la trêve.
À J2, il va très bien. On note une petite limitation d’amplitude en toute fin d’élévation, de l’appréhension encore dans les mouvements contre résistance. Le testing de coiffe est légèrement douloureux.
À J5, Mathieu court sans problème, fait des changements de direction, des conduites de balle et des frappes, sous couvert d’une contention d’épaule.
La reprise à l’entraînement est prévue pour J6.
À J9, il joue contre Bordeaux sans problème particulier, avec la contention d’épaule.
Il rejoue 4 matches avant de se luxer de nouveau l’épaule en championnat à Caen, 5 jours avant la finale de Coupe de France. La réduction étant impossible au stade, il est emmené aux urgences. Le bilan radiographique est normal avant (voir cliché 1 ci-dessous) et après la réduction sous anesthésie générale légère. La chirurgie est envisagée dès la fin du championnat.
À J2, il persiste une douleur modérée, sous diclofénac. La reprise de l’entraînement est prévue le lendemain avec strapping et protection.
Mathieu joue la finale de Coupe de France et le dernier match de championnat (90 min chacun) avec protection et sans phénomène d’instabilité.
Il est opéré 2 jours après (butée coracoïdienne de Latarjet à ciel ouvert) (voir cliché 2 ci-dessous).
La rééducation se passe sans problème pendant les 6 premières semaines d’intersaison. Mathieu reprend le travail de course début juillet avec le groupe. Il participe à son premier match le 21/07, 2 mois après son intervention alors qu’il persiste encore une limitation dans toutes les amplitudes, surtout en rotation externe et élévation.
À 3 mois, il manque encore 30 degrés de rotation externe et 15 degrés en élévation. On continue le travail de gain d’amplitude. Le renforcement musculaire est réalisé avec les préparateurs physiques sous contrôle médical pour ne pas nuire au gain d’amplitude.
On considère que Mathieu a récupéré l’intégralité des amplitudes 6 mois après l’intervention. À cette date, il a toujours du mal à faire les touches en match alors qu’il les fait très bien à l’entraînement.
Combien de luxations peut-on tolérer avant d’opérer ? Existe-t-il des délais incompressibles avant le retour dans le groupe après chirurgie ? Doit-on protéger l’épaule pour les matches après chirurgie ?
La première récidive signe l’instabilité et la nécessité du recours à la chirurgie.
La réduction dans le vestiaire a ses limites ; on y arrive une fois, deux fois… On veut soulager le joueur, mais il faut savoir ne pas insister quand cela ne vient pas.
Dès lors que l’on parle d’instabilité, donc au minimum une récidive, la chirurgie devient incontournable.
La chirurgie permet le retour à la pratique sportive au même niveau dans 83 % (butée de Latarjet à ciel ouvert) à 97 % (intervention de Bankart sous arthroscopie) des cas, dans un délai variant entre 5,1 mois (Latarjet à ciel ouvert) et 8,2 mois (Bankart à ciel ouvert) (1).
Chez le sportif de haut niveau, la butée a la préférence des chirurgiens.
La reprise est souvent possible avant une récupération complète des amplitudes, mais cela dépend bien évidemment du poste du joueur. Celui de gardien de but nécessite une récupération la plus parfaite possible, défenseur latéral sans doute aussi pour une bonne réalisation des remises en touche.
Chez le footballeur après chirurgie, un délai de 2 mois et demi à 3 mois semble le minimum avant la reprise.
Il n’y a pas de protection particulière à proposer après chirurgie, la butée rendant l’épaule plus stable qu’une épaule normale.
- Abdul-Rassoul H, BS, Galvin JW, Curry EJ, Simon J, Li X. Return to sport after surgical treatment for anterior shoulder instability. A systematic review. Am J Sports Medicine, 2018, 1-9.