Rony se plaint d’une douleur du talon droit depuis une semaine, sans trop savoir comment cela a démarré. Il a été gêné tout le match contre Strasbourg le 1/10. Au toucher, le coussinet plantaire est hyperalgique, infiltré et légèrement épaissi. Depuis 18 mois, il présente un antécédent d’aponévrosite plantaire, peu sensible ces derniers temps, améliorée par les soins de kiné (ondes de choc, laser, massages), une paire de semelles orthopédiques et un reformatage des chaussures. Il ne décrit aucun traumatisme direct. On n’a que la répétition de microtraumatismes pour expliquer cette pathologie en lien avec des chaussures avec un arrière-pied trop rigide. Il est à noter que, depuis le retour de la CAN, il ne donnait plus ses chaussures à notre podologue pour le reformatage habituel.

L’IRM (voir clichés ci-dessous) retrouve un large œdème du coussinet plantaire postéro-externe. 

On le met au repos complet, sous anti-inflammatoire, et on revoit la problématique des semelles orthopédiques, de ses chaussures et de la charge de travail.

À J5, la marche se fait sans douleur. La palpation du talon est moins douloureuse, juste sensible. La zone est moins infiltrée. On continue les anti-inflammatoires et le travail en décharge. 

À J6, l’examen clinique est presque normal. Le footing du matin se passe bien. Il s’entraîne l’après-midi avec une paire de Copa Mondial et sa semelle de ville, en l’absence de chaussures de foot « travaillées » et équipées de semelles orthopédiques. 

À J7, il joue contre Caen en championnat, avec une douleur modérée sur les appuis au bord externe du talon.

Il part en sélection, est ménagé les 2 premiers jours, s’entraîne normalement le 11/10, joue 80 minutes contre le Maroc avec la même douleur sur les appuis. Il est au repos le lendemain, veut s’entraîner le 13, mais ressent une douleur plus vive à l’appui sur une frappe pied gauche. 

Le lendemain, la douleur à la marche et au toucher est particulièrement vive, les tissus sont infiltrés, surtout sur le bord externe du talon plutôt qu’à la face plantaire comme au début de son histoire clinique. Il est mis au repos 4 jours, va rendre visite à son équipementier pour adapter au mieux sa chaussure. 

Il revient le 19 avec toujours les mêmes douleurs, cependant moindres à la marche. Une nouvelle IRM est pratiquée : elle retrouve une diminution de l’œdème du capiton plantaire, mais en revanche un œdème au bord externe du calcanéus. Le traitement consiste en un travail sur vélo et des soins locaux : LPG, laser, drainage manuel. 

La course est reprise le 24/10, 20 minutes en tout, en basket, sans douleur, malgré un dérouillage matinal de 30 minutes. L’examen clinique est bien meilleur au niveau du coussinet plantaire, mais toujours algique au bord externe du calcanéum. On préconise de continuer le travail athlétique en chaussures running et d’attendre encore un peu avant de mettre les crampons.

Pendant ce temps, notre podologue poursuit le travail de reformatage de la chaussure de Rony. Il enlève toutes les épaisseurs et aspérités intérieures en plastique, jugées trop dures et susceptibles d'être péjoratives au niveau du talon, et ce, de façon à retrouver une loge intérieure concave libre jusqu'aux crampons afin d'y couler du gel polymère absorbant, formant ainsi un véritable pad anatomique de 1 cm d'épaisseur, à la fois amortissant et dynamique.

Il se teste à l’entraînement le 25, veille de match contre Angers. L’essai n’est pas suffisamment concluant. Il travaille en chaussure running pendant 3 jours, avant de se tester à nouveau le 28 pour jouer contre Monaco le lendemain.

Il joue 70 minutes à Louis II, sans plus de gêne.

On aménage le travail pendant 3 jours, avant une reprise normale avec le groupe le 2/11. À présent, la gêne est stable. On continue les soins en parallèle des séances. 

Il joue 92 minutes contre Toulouse, puis 82 minutes contre le Genoa, avec de moins en moins de douleurs et sans anti-inflammatoire, sauf le jour du match. 

Le retour des chaussures de l’équipementier ne règle rien du tout. Aucun reformatage n’a été réalisé.

La lésion du coussinet plantaire est-elle fréquente chez le footballeur ? Que penser du chaussage actuel des joueurs de football ?

La lésion du coussinet plantaire est une pathologie très rare chez le footballeur, mais peut-être sous-documentée. C’est plutôt l’apanage des fortes patientes d’après notre confrère spécialiste du pied.

On peut penser qu'il s’agit d’un petit décollement de la graisse au niveau de l’aponévrose, graisse qui est fixe normalement.

Chez un sportif de haut niveau, il faut se méfier des fractures de fatigue du calcanéus surtout – mais l’IRM nous donne toutes les informations –, ainsi que du syndrome du tunnel tarsien (1).

Son traitement n’a rien de particulier, il est douleur-dépendant, une mise en décharge partielle, puis une reprise progressive des contraintes. 

On touche du doigt le problème du chaussage chez le joueur professionnel. Les chaussures sont plus adaptées au marketing qu’à la protection du pied et ses contraintes mécaniques. Certains confrères le jugent déplorable, pour ne pas dire plus. 

L’avis de notre consultant podologue est à ce titre très intéressant. Désormais, les semelles extérieures des chaussures de football (dites outsole) sont – par économie sur le coût de fabrication du produit – en TPU (Thermoplastique PolyUréthane), un plastique très rigide. 

Ces semelles extérieures sont totalement « monobloc » avec les crampons, c'est-à-dire d'un seul tenant, fabriquées dans un seul et unique moule. À présent, les crampons sont de formes triangulaire (?!), voire hexagonale (?!), pas toujours très bien situés, donc pas très respectueux de la biomécanique du pied, des genoux, et de la posture en général. 

Les tiges (c'est-à-dire le revêtement des chaussures) sont de plus en plus fines et en PU (PolyUréthane), par conséquent de moins en moins protectrices pour le pied du sportif.

En l’absence d’un podologue capable de retravailler la chaussure, on y serait sans doute encore.

  1. Lareau CR, Sawyer GA, Wang JH, DiGiovanni CW. Plantar and medial heel pain: diagnosis and management. J Am Acad Orthop Surg, 2014, 22, 372-380.