Sur un dégagement aux 6 mètres à la 40e minute, le 7/02 à Rennes, Vincent ressent une douleur en coup de couteau aux ischio-jambiers droits. Il demande à sortir tout de suite, ce qu’il fait en marchant. Le testing dans le vestiaire est positif, au 1/3 moyen et médian.
Le lendemain, le testing est le même, en fin de course externe (étirement et CcR), mais un peu plus bas à l’union des 2 chefs du biceps fémoral. À l’échographie, on retrouve une petite zone hyperéchogène sans décollement. L’IRM, le jour même (voir clichés ci-dessous), retrouve une LMA à l’union du court et du long biceps avec un œdème modéré et un léger décollement. On annonce un délai de 2 semaines avant le retour dans le groupe.
À J2, les SF commencent à diminuer au repos et à la marche. L’étirement jambe tendue est négatif, légèrement positif en partant de la position hanche fléchie. La CcR est encore positive. L’image hyperéchogène est un peu plus marquée à l’échographie, sans décollement significatif. On reste sur le protocole RICE encore 2 jours.
À J3, la douleur a disparu à la marche et dans les escaliers. Le testing reste positif au toucher (la zone est encore un peu infiltrée), légèrement positif à la CcR en course interne et négatif à l’étirement. On débute le vélo (20 min sans résistance), le vélo à bras (2 fois 10 min) et les massages de drainage.
À J4, on commence le travail excentrique sur appareil isocinétique (30 % à 5°/s, 3 fois 10 répétitions) à partir d’un test de référence de début de saison (ischio-jambiers faibles en excentrique à 30°/s). On décide de travailler les deux ischio-jambiers. On démarre également les massages profonds et un traitement par laser sur la lésion. On accentue le travail sur vélo (2 fois 20 min à 80 watts).
À J5, le ressenti est un peu moins bon. La palpation est plus sensible avec une zone tendue plus marquée, l’étirement toujours négatif, mais la CcR est légèrement douloureuse. On passe tout de même à 35 % en excentrique à 5°/s et le vélo à 3 fois 12 min à 120 watts.
À J6, le ressenti est le même. La zone infiltrée tend à diminuer.
À J7, les SF ont disparu. La marche se fait sans problème. On continue l’excentrique à 45 %, le vélo (3 fois 8 min en 30-30, respectivement à 200 watts-100 watts), le travail sur cicatrice et le travail des mobilités en piscine. L’entraîneur des gardiens de but démarre un travail de prises de balle en salle, assis et debout, sans contrainte pour les ischio-jambiers.
À J8, il ne reste qu’une gêne à la palpation, profonde. L’étirement et la CcR sont négatifs. On augmente l’excentrique à 50 %, on fait la même séance sur vélo (intermittent plus facile pour Vincent), du travail manuel de massage sur la cicatrice, un travail des mobilités, du laser et des étirements. On démarre le travail du haut du corps et le gainage. On finit par le travail des mobilités en piscine.
Vincent a un jour de repos le dimanche 16/02 (J9).
À J10, il n’y a pas de SF et l’examen clinique est normal. On rajoute des éducatifs de course, laquelle est programmée pour le lendemain. Sur appareil isocinétique, on propose la même séance de travail excentrique à 50 % (3 fois 10 reps à 30°/s).
À J11, tout est normal. On démarre la course par 20 min de footing.
À J12, l’examen clinique est quasi normal (la palpation reste un peu sensible sur la zone lésée). Il court sur tapis roulant 2 fois 15 min entre 10 et 12 km.h-1.
J13 est consacré à la récupération, sans travail actif.
À J14, l’examen clinique est normal. Vincent est un peu courbaturé. Il travaille en excentrique à 105 Nm. Il fait 3 blocs de 4 min à 16, 17 et 18 km.h-1. Il enchaîne avec une séance spécifique sur le terrain à base de déplacements libres, de prises de balle au sol et en l’air, et de jeux courts aux pieds.
À J15, l’examen est normal, l’échographie inchangée. Vincent travaille sur appareil isocinétique en concentrique (exercice pyramidal de 300 à 210°/s, 7 fois 10 reps). Après 15 min d’un échauffement type PPG, il fait une séance spécifique de 45 min avec toute la gamme des gestes techniques, sauf les plongeons dans les pieds de l’attaquant. Mais le jeu long aux pieds, les prises de balles hautes et les reprises d’appuis sont validés.
À J16, Vincent travaille individuellement sur le terrain.
La reprise dans le groupe est effective le 24/02 (J17) à 2 jours du match de Coupe de France au stade du Ray.
L’entraînement de veille de match et le match contre Nice se passent très bien.
On met en place un programme de prévention pour les prochaines semaines.
Il ressent quelques gênes mal systématisées 3 jours après le match. L’examen clinique est normal en dehors d’une sensibilité, longue à partir, au niveau de la zone lésée.
La fin de réadaptation est-elle différente chez les gardiens de but ? À quel moment peut-on débuter le travail sur vélo après une lésion musculaire des ischio-jambiers ?
Dans une étude menée par l’UEFA sur 13 saisons (2001 à 2014, 36 clubs), 1614 lésions des ischio-jambiers ont été déclarées. 22 % des joueurs ont eu au moins une lésion par saison. Les lésions surviennent essentiellement en match (risque 9 fois supérieur qu’à l’entraînement). Elles sont en constante augmentation, en moyenne de 2,3 % chaque saison (matches et entraînements confondus), mais cette augmentation est surtout nette pour les entraînements, jusqu’à 4 % en moyenne chaque saison. La durée moyenne de l’arrêt des activités est de 20 jours (1).
L’échographie est certainement le meilleur examen entre des mains expertes, et donc suffisante, mais l’IRM en milieu professionnel est souvent nécessaire pour une parfaite définition de la lésion – même si les descriptions sont souvent alarmistes – et l’échange des informations avec les différents staffs médicaux (staff des sélections nationales, essentiellement).
La localisation à l’union des deux chefs du biceps est typique chez le footballeur.
On ne démarre le travail excentrique que lorsque le phénomène inflammatoire est éteint, sans urgence. Il vaut mieux « perdre » un jour ou deux au début, ils seront vite rattrapés.
Il est important de récupérer de très bons niveaux de forces excentrique et concentrique des ischio-jambiers. En effet, le risque de rechute chez le footballeur professionnel est très élevé si l’on combine un antécédent de déchirure des ischio-jambiers et des niveaux faibles de force musculaire excentrique des ischio-jambiers et des ratios I/Q bas (2).
On débute le vélo souvent en même temps que l’excentrique (marche normale, testing beaucoup moins douloureux, surtout à l’étirement). Tout travail actif se fait obligatoirement sans douleur, donc si jamais le joueur ressent une gêne sur le vélo, on décale de quelques jours cette activité physique.
La reprise de la course se fait avec un examen clinique strictement normal, souvent lorsqu’on travaille autour de 50 % de la force maximale en excentrique.
Chez le gardien de but, on peut démarrer très tôt le travail technique à la main, dès lors qu’il n’y a pas de contraintes sur la zone lésée, assis au début, puis debout.
La fin de la réadaptation chez le gardien de but est différente du joueur de champ. On s’arrête pour une lésion des ischio-jambiers au travail intermittent type 15-15 pour avoir tout de même une information sur la cicatrice lorsqu’elle est sollicitée à des allures autour de 16/18 km.h-1, à des niveaux de fatigue intéressants.
On passe très vite à un travail spécifique au poste, les appuis, les changements de direction, les plongeons et les sauts, en jouant sur les intensités. Les collègues de club semblent d’accord.
À la reprise des entraînements avec le groupe, il est important de poursuivre le travail de préparation à la séance (massages, travail excentrique manuel ou en iso, travail en salle en chaîne fermée) et de récupération en fin de séance.
- Ekstrand J, Waldén M, Hägglund M. Hamstring injuries have increased by 4% annually in men's professional football, since 2001: a 13-year longitudinal analysis of the UEFA Elite Club injury study. Br J Sports Med, 2016, 50, 731-737.
- Lee JWY, Mok KM, Chan HCK, Yung PSH, Chan KM. Eccentric hamstring strength deficit and poor hamstring-to-quadriceps ratio are risk factors for hamstring strain injury in football: A prospective study of 146 professional players. J Sci Med Sport. 2018, 21, 789-793.