Ma sœur Christine me répète souvent qu’un jour d’été 1982 – lorsque, dans son sillage, j’ai commencé mes études à la faculté de médecine d’Angers – je lui ai déclaré vouloir être médecin de club. L’histoire qui suit en est peut-être une explication.
C’était en 1982, donc. J’avais dix-huit ans et le football était ma passion, comme celle de toute la famille. J’étais joueur amateur au SCO d’Angers au poste de libéro, fan absolu du FC Nantes de Jean-Claude Suaudeau que j’allais voir jouer régulièrement à Marcel-Saupin. Mon père, Alphonse, était kinésithérapeute à Angers depuis l’arrêt de sa carrière de footballeur pro en 1963 où il s’occupait, entre autres en cabinet libéral, des sportifs et des footballeurs de la région. Mes deux frères jouaient aussi au SCO : l’aîné, Ronan, jouera ensuite jusqu’en D3 (ancienne Nationale) à Poitiers pendant ses études en STAPS, et le plus jeune, Christophe, en D2 (ancienne Ligue 2) au SCO tout en suivant ses études de pharmacie. Joueur en DH fin 1981 avec mon ami Fabien Piveteau, j’avais intégré l’équipe réserve du SCO après le dépôt de bilan du club. Les meilleurs joueurs du club alors en D2 avaient dû partir (Farès Bousdira, Marc Berdoll, Joël Delpierre, Christian Felci…) avec l’entraîneur René Cédolin, en conséquence de quoi, certains joueurs, dont moi, avaient grimpé d’un étage. Une seconde partie de saison en D3 sous les ordres de Karel Michlowski : je n’avais pas tout à fait le niveau, mais je prenais du plaisir à jouer avec Jean-Pascal Beaufreton dans les buts et Didier Ollé-Nicolle comme stoppeur.
J’étais alors en Maths sup – plus pour très longtemps – et il n’était pas évident de mener de front les deux activités. Et puis mon genou gauche a commencé à « m’emmerder » … Une radio, un premier avis médical : c’est une ostéochondrite disséquante du condyle interne, il faut opérer. Ma première opération du genou remonte au 5 juillet 1982, un forage du condyle interne avec une petite arthrotomie : me voilà cloué au lit en clinique pour une semaine (à l’époque, on ne comptait pas les jours d’hospitalisation !), à vibrer et déprimer le 8 juillet devant le fabuleux France-Allemagne de Séville en demi-finale de la Coupe du monde, sans doute l’un des plus beaux matches de l’histoire du football. En balance tout de même avec la finale de Champion’s League 2005 entre le Liverpool FC de Benítez et le Milan AC d’Ancelotti et maintenant les deux demi-finales retour de la Champion’s League 2018-2019, Liverpool FC-Barcelone et Ajax-Tottenham. Je l’ai revu voilà quelques années, ce France-Allemagne de 1982, et le plaisir est toujours là, mais seulement jusqu’aux penalties. Après, c’est un supplice, une punition. Comme la 57ème minute et cette charge d’une violence incroyable du gardien allemand Harald Schumacher sur Patrick Battiston.
L’intervention du docteur Maurice Vrillac auprès de Patrick Battiston, c’est ma première image marquante du médecin de terrain : l’appréciation de l’état de santé du joueur, les premiers soins de protection du rachis cervical avec l’aide des joueurs, le brancardage, la sortie du joueur complètement inconscient avec Michel Platini aux côtés du médecin. Des images fortes. Et après, tout ce que l’on ne voit pas, évidemment, et que l’on nous raconte : l’évacuation à l’hôpital, le bilan radiographique, l’avis orthopédique, la minerve… Voilà un bon résumé du travail de médecin de terrain, depuis la prise en charge initiale sur le terrain et les quelques gestes simples jusqu’au plus important, le diagnostic le plus précis possible et la mise en route du traitement. C’est peut-être dans ces instants-là que j’ai eu envie de devenir médecin de club, alors que je venais de m’inscrire à la faculté de médecine d’Angers et que je réfléchissais à ma spécialité.
